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Londres - 31 juillet 1874

31 juillet 1874 Je me réjouis d’apprendre que tu as lu Michelet et que tu l’apprécies. Un tel livre nous aide à saisir que l’essence de l’amour est bien différente de ce que les gens ont coutume d’y voir. Cet ouvrage a été une révélation pour moi, j’en ai fait mon évangile. Il n’y a pas de vieille femme 1 ! Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de femmes vieilles, mais qu’une femme ne vieillit pas aussi longtemps qu’elle aime et qu’elle est aimée. Et vois donc comme le chapitre Les aspirations de l’automne est riche! Oui, je crois vraiment que la femme est « une créature toute différente » de l’homme (une créature que nous ne connaissons pas encore, sinon très superficiellement), comme tu dis. Je crois aussi qu’une femme et un homme peuvent devenir un seul et même être, j’entends un être entier, non deux moitiés juxtaposées. ........... Ici, en Angleterre, j’ai perdu l’envie de dessiner, mais il est possible qu’un jour ou l’autre cela me reprenne. Je l

Londres - 30 Avril 1874

30 Avril 1874 Quand je reviendrai en Hollande, je m’arrêterai quelques jours à La Haye, car La Haye est pour moi une ville d’élection (je logerai chez toi). J’aurais voulu t’accompagner dans cette promenade au Vink. Je saisis chaque occasion de faire un tour dans les environs mais, pour le moment, je suis très occupé. C’est joli (bien que ce soit la ville). Les lilas, les aubépines et les cytises fleurissent dans tous les jardins; les marronniers sont splendides. Qui aime sincèrement la nature, trouve son plaisir partout. Il m’arrive pourtant de regretter la Hollande, surtout Helvoirt. Je jardine en ce moment, j’ai semé des pois de senteur, des pavots et des résédas ; je n’ai plus qu’à attendre ce que cela donnera. Je dois dire que je suis heureux d’avoir à parcourir chaque matin la distance qui sépare mon logement du magasin et, le soir, celle qui sépare le magasin de mon logement, soit une bonne promenade de trois quarts d’heure chaque fois.

Londres - 30 Mars 1874

30 Mars 1874 J’ai reçu de ta part, inclus dans une lettre de chez nous, un florin destiné à l’achat d’une paire de boutons de manchettes. Je t’en remercie cordialement, mon vieux, mais tu n’aurais pas dû, j’ai plus d’argent qu’il ne m’en faut. Tu as bien fait de lire l’ouvrage de Burger; dévore autant que possible des livres sur l’art, surtout La Gazette des Beaux-Arts, etc. Veille surtout à te tenir au courant de l’évolution de la peinture.

Londres - Janvier 1874

Janvier 1874 J’aimerais bavarder longuement avec toi de l’art, nous devrions en parler plus souvent dans nos lettres. Contemple les belles choses le plus possible , la plupart n’y prêtent guère d’attention . ... Continue tes promenades et nourris en toi l’amour de la nature, c’est la meilleure manière d’apprendre tout ce qu’il faut savoir de l’essence de l’art. Les peintres comprennent la nature et ils l’aiment, ils nous apprennent à la « regarder » . Remarque d’ailleurs qu’il y en a, parmi les peintres, qui ne produisent jamais que de bonnes toiles, qui ne sauraient en produire de mauvaises, comme il existe des hommes dans la tourbe des humains qui ne savent faire qu’une seule chose, le bien. Quant à moi, ça va, j’ai un bon logement et c’est une joie pour moi de découvrir Londres, le style de vie anglais et les Anglais eux-mêmes. Et puis, il y a la nature, l’art et la poésie. Si cela n’est pas suffisant, qu’est-ce qui pourra l’être ? Pourtant, je

Londres - 19 Novembre 1873

19 Novembre 1873 Je me porte all right et j’ai un logement convenable. Bien que le magasin soit moins gai que celui de La Haye, je ne me plains pas d’être ici. Plus tard, quand le commerce de tableaux aura pris quelque importance, je pourrai peut-être me rendre utile. Et puis, je ne saurais te dire combien il est intéressant de découvrir Londres, les Anglais et leur façon de traiter les affaires et de vivre. C’est tout différent de ce qui se passe chez nous.

Londres - 13 Septembre 1873

13 septembre 1873 Oh ! mon vieux, je voudrais tant que tu viennes ici pour voir mon nouveau « home » dont on a déjà dû te parler. Je dispose à présent d’une chambre comme j’en avais envie depuis longtemps, sans poutres inclinées et sans papier bleu bordé de vert. Je loge chez des gens charmants. Il y a quelque temps, je suis allé faire du canotage sur la Tamise, en compagnie de deux Anglais. C’était délicieux.

Londres - 13 Juin 1873

13 juin 1873 J’ai trouvé un logement où je me plais fort bien pour l’ins¬tant. Il y a d’autres pensionnaires, notamment trois Allemands qui adorent la musique, font du piano et chantent. Nous pas¬sons d’agréables soirées ! Je n’ai pas autant de travail qu’à La Haye ; je ne dois être présent au magasin que de neuf heures du matin à six heures du soir, et j’ai fini à quatre heures le samedi. J’habite un faubourg de Londres relativement calme. ... La vie est très chère ici, mon logement me coûte à lui seul dix-huit shillings par semaine, plus la lessive, et je dois prendre mes repas en ville. Dimanche dernier, je me suis rendu en compagnie du patron, Mr. Obach, à la campagne, à Boxhill, qui est une grande colline située à environ six heures de Londres, partiellement crayeuse et couverte d’un côté de palmiers et de l’autre d’un bois de grands chênes. C’est un pays magnifique, tout différent de la Hollande et de la Belgique. Un peu partout, on découvre de beaux parcs avec de gra